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par mastic » 22 juillet 2019, 22:10
L'article de Marianne du 17 juillet 2019, je copie/colle
Exclusif
À la Plagne, l’or blanc fait tourner les têtes
La justice a annulé la décision du conseil municipal de La Plagne actant la vente de terrains communaux. Le hic ? Le maire est aussi promoteur et patron d’une société de BTP intervenue sur ce chantier.
La montagne, ça vous gagne », promettait le slogan publicitaire. Et ça peut rapporter aussi. Au pays de l’or blanc, la station de La Plagne en sait quelque chose. Son maire, Jean-Luc Boch, est aussi promoteur et patron d’une boîte de BTP. Cette double casquette n’a pas du tout plu au tribunal administratif de Grenoble, qui a annulé le 25 juin dernier la délibération de la mairie actant la vente de terrains communaux au promoteur Pelletier, un poids lourd de la région. Motif ? Jean-Luc Boch, qui a préparé la décision et l’a présentée lors d’une séance du conseil municipal qu’il présidait, savait qu’il allait bénéficier de l’opération puisqu’une partie des travaux ont été sous-traités à… son entreprise, Boch et Frères.
Dyslexie arithmétique
« Une maladresse, une erreur technique », plaide le maire, contacté par Marianne. Mais il n’y a pas que sa présence au conseil municipal ce jour-là qui pose question. Il y a aussi dans ce dossier baptisé Les Lodges un très étrange décalage entre l’avis des Domaines, l’administration centrale en charge de la gestion du foncier public en cas de cession au privé, et ce qu’a voté le conseil municipal. Les Domaines ont planché sur cinq parcelles cadastrales pour une surface totale de 2 328 m², quand les élus ont eu à se prononcer sur neuf parcelles pour une surface de 3 265 m². « Une erreur technique, c’est comme si le chiffre des centaines et des milliers avait permuté », explique à nouveau notre maire plein de compassion pour la dyslexie arithmétique... Presque 1 000 m² de plus mais un prix de vente miraculeusement identique à celui fixé par les Domaines : 1 million d’euros. A 430 €, le prix au mètre carré fixé par les Domaines n’est déjà pas très élevé. Avec ces 1 000 m² supplémentaires, il tombe à 306 € quand on trouve actuellement à La Plagne des terrains en vente pour 721 € le mètre carré.
Joël Ougier-Simonin, conseiller municipal et ancien adjoint chargé de l’urbanisme, qui a porté l’affaire devant la justice, tempère, expliquant que la mairie vend traditionnellement en dessous du prix du marché. Reste que dans le cas présent la différence de 1 000 m² crée un trou dans les finances de la ville de près de 400 000 €. Pourquoi un tel rabais sur le terrain pour l’opération Les Lodges, qui aurait coûté en tout au promoteur entre 15 et 16 millions d’euros, selon nos différents interlocuteurs ? D’autant que pour lui, le chantier s’est révélé fort rentable. Il ne reste pour l’heure à la vente que 5 des 35 appartements de standing dans la résidence, cédés à 5 800 € le mètre carré. Avant même la pose de la première pierre, la commune de La Plagne lui a versé 4,5 millions d’euros, Les Lodges accueillant, en plus de ces appartements, un cabinet médical, une gendarmerie, un parking, un poste de police municipale et une caserne de pompiers. De quoi rendre l’opération quasi sans risque et générer sans doute plus de 3 millions d’euros de bénéfices pour le promoteur en un peu plus d’un an. Puisqu’on vous dit que la montagne, ça vous gagne…
Jean-Luc Boch, lui, minimise le bénéfice personnel qu’il aurait pu tirer avec Les Lodges : « Ce n’est pas moi, mais mon frère qui a répondu à l’appel d’offres pour les travaux de terrassement de l’opération. Pire, on a même perdu de l’argent dans cette affaire ! » A l’écouter, les 258 000 € hors taxes facturés par Boch et Frères n’auraient pas couvert les frais engagés pour faire face à un terrain plus compliqué que prévu. Étonnant pour cette entreprise qui travaille sur des chantiers de remontées mécaniques en altitude et qui, dans ce dossier, disposait de toutes les données. Y aurait-il eu, encore une fois, une « erreur technique » ? Ce n’est plus La Plagne, mais la poisse.
Emmanuel Lévy